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    L'ingénieur français Cyprien Méré, désireux d'obtenir la main de la charmante Alice Watkins, fille d'un riche propriétaire de mines diamantifères d'Afrique australe, décide d'utiliser ses connaissances scientifiques pour réaliser la fabrication du diamant artificiel. Il croit y être parvenu en découvrant dans son appareil un énorme joyau : l'Etoile du Sud. L'inexplicable disparition du diamant précipite l'ingénieur dans une suite d'événements extraordinaires…

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    Ce roman est un petit bijou qui, au lieu de nous faire parcourir les immensités de notre planète, nous entraîne en l'Afrique du Sud et ses mines pour suivre l’enquête suivant la disparition du plus gros diamant noir jamais découvert.

    Inspiration

    James Ballantyne Hannay, né en 1855 est un chimiste écossais. Il est connu pour avoir annoncé avoir synthétisé le diamant en 1880.

    En effet, c'est lorsqu'il travaille à Glasgow en 1880 qu'il annonce avoir synthétisé le diamant. Pour cela, il enferme dans un tube en fer un mélange de lithium métallique, une huile issue des os et de la paraffine qu'il soumet ensuite à la chaleur d'une flamme durant plusieurs heures. Il trouve au fond des tubes qui n'ont pas explosé des petits fragments de diamants d'un diamètre d'environ 0.25 millimètres.

    Bien entendu, une expertise est par la suite menée en vue de reproduire son expérience, mais se révèle infructueuse. Les fragments trouvés à l'intérieur du tube ne seraient pas synthétiques, mais d'origine naturelle. 

    L'Etoile du Sud

    Extrait

    Le laboratoire du jeune ingénieur, avec ses appareils bizarres, l’intéressait puissamment. Elle était surtout fort curieuse de connaitre tout ce qui rattachait à la nature des diamants, cette précieuse pierre qui jouait dans les conversations et dans le commerce du pays un rôle si important. En vérité, Alice était assez portée à ne regarder cette gemme que comme un vilain cailloux. Cyprien - elle n'était pas sans le voir - avait, sur ce point, des dédains tout pareils aux siens. Aussi cette communion de sentiments ne fut-elle pas étrangère à l'amitié qui s'était promptement nouée entre eux. Seuls dans le Griqualand, on peut hardiment le dire, ils ne croyaient pas que le but unique de la vie dût être de rechercher, de tailler, de vendre ces petites pierres, si ardemment convoitées dans tous les pays du monde.

    " Le diamant, lui dit un jour le jeune ingénieur, est tout simplement du carbone pur. C'est un fragment de charbon cristallisé, pas autre chose. On peut le brûler comme un vulgaire morceau de braise, et c'est même cette propriété de combustibilité qui en a, pour la première fois, fait soupçonner la véritable nature. Newton, qui observait tant de choses, avait noté que le diamant taillé réfracte la lumière plus que tout autre corps transparent. Or, comme il savait que ce caractère appartient à la plupart des substances combustibles, il déduisit de ce fait, avec sa hardiesse ordinaire, la conclusion que le diamant "devait" être combustible. Et l'expérience lui donna raison. "

    Mais le diamant a disparu, volé certainement. Ce qui nous donne une seconde partie plus classique à l'image de l'oeuvre de Jules Verne à savoir la traversée de l'Afrique à la poursuite d'un voleur afin de le capturer et le ramener au Claim, s'en suit tout un tas de péripéties et de rebondissements plus ou moins attendus. La conclusion de cette histoire est, outre d'un humour certain, digne des plus grands romans policiers.

    Similitude avec Tintin

    Une fois n'est pas coutume, une nouvelle similitude Verne-Hergé apparaît dans cette histoire. En effet, plus gros diamant du monde sera récupéré dans le gésier d'une autruche, tandis que Tintin déniche le bijou de la Castafiore dans le nid d'une pie  voleuse.

    La moralité de cette histoire pourrait être : "Bien mal acquis ne profite jamais "   

     


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    Payer une taxe pour traverser le détroit de Constantinople à Scutari! On n'a jamais vu ça! Ces messieurs du nouveau gouvernement sont allés trop loin! " s'écrie le riche marchand turc Kéraban, grand défenseur des traditions.
    Or, précisément, Kéraban doit se rendre de Constantinople à Scutari, et donc traverser le Bosphore.
    " J'irai et je ne paierai pas ! clame Kéraban-le-Têtu.
    - Vous paierez ou vous n'irez pas ! " rétorque le fonctionnaire chargé de collecter la taxe.
    Qu'à cela ne tienne! Kéraban n'ira pas à Scutari par le détroit, mais par la terre ferme. C'est-à-dire en faisant le tour de la mer Noire ! Et, par Allah ! on verra qui aura le dernier mot.
    Et voici que commence, pour Kéraban et son ami hollandais Van Mitten, une ahurissante aventure...

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    Un des récits les plus amusants de Jules Verne, et comme toujours une étonnante documentation sur la géographie, les mœurs des habitants et leurs coutumes : un voyage qu'on aimerait entreprendre le livre à la main. 

    Nous pouvons retracer le parcours de Kéraban en plein hiver d'une rive à l'autre du Bosphore le long de la Mer Noire. En un nombre réduit de kilomètres, le tour de la Mer noire permet de passer en revue un florilège de paysages européens : littoraux touristiques de Bulgarie, delta fluviaux du Danube roumain, côtes calcaires de la Crimée, flanc montagneux du Caucase, plages de galets gris de Géorgie, forêts alpestres de la chaîne pontique, grèves bétonnées du nord de la Turquie. L'itinéraire traverse quelques hauts lieux urbains.

    Kéraban, cet homme de principe, et ses compagnons de routes réticents commencent le voyage. La seule date limite pour Kéraban est qu'il doit être de retour dans 6 semaines afin qu'il puisse partir à temps pour organiser le mariage de son neveu avec une jeune femme qui doit être mariée avant d'avoir dix-sept ans. Si elle ne respecte pas ce délai, elle n'héritera pas de 100 000 livres turques. Malheureusement pour Kéraban et ses amis, les méchants Yarhud, Scarpante et l'homme qui travaille pour le Seigneur Saffar ont des plans pour s'assurer que la jeune femme ne se marie avant la date limite.   

    Il fait passer ses héros le long de la Mer noire en direction d'Istanbul. Ils traversent une ville nommée Kérésoum où le cerisier abonde. Il mentionne aussi que le bois de ces arbres est aussi utilisé pour faire des pipes.
    En turc, "Kiraz" signifie cerise, du nom de l'antique ville de Kerasous.    

     


  • Deux hommes se sont dressés face à face sur la "Jangada", gigantesque radeau de troncs d'arbres, qui descend l'Amazone entre les impénétrables murailles de la forêt vierge. L'un est Torrès, cynique aventurier, spécialisé dans la chasse aux esclaves et aux criminels en fuite ; l'autre est Joam Dacosta, un planteur qui, vingt ans auparavant, a pu s'échapper du Brésil et se réfugier au Pérou, après avoir été condamné pour un crime qu'il n'a pas commis. Aujourd'hui, Torrès a jeté le masque : en possession d'un document chiffré, prouvant l’innocence du planteur, il propose à celui-ci un infâme marché...  Et le radeau continue à descendre l'immense fleuve, tandis que le drame se noue, implacable. Chaque jour rapproche Dacosta de la prison et de la mort qui l'attendent, une fois la frontière franchie.

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     Verne est lui aussi un visionnaire de la nature. Il exalte sa démesure  "Incommensurable". Il célèbre sa puissance et son harmonie, mais aussi son exubérance, sa violence

     L'Amazone : extrait

    Je veux tout voir et tout savoir de ce roi des fleuves de la terre. […] « Le plus grand fleuve du monde entier ! » disait le lendemain Benito à Manoel Valdez.

    12

    Et à ce moment, tous deux, assis sur la berge, à la limite méridionale de la fazenda, regardaient passer lentement ces molécules liquides qui, parties de l’énorme chaîne des Andes, allaient se perdre à huit cents lieues de là, dans l’océan Atlantique. […]

    13

    « Et le fleuve qui débite à la mer le volume d’eau le plus considérable ! répondit Manoel.

    • tellement considérable, ajouta Benito, qu’il la dessale à une grande distance de son embouchure, et à quatre-vingts lieues de la côte, fait encore dériver les navires ! […]

    • Et, sur toute son étendue, reprit Manoel, comme les mille tentacules de quelque gigantesque poulpe, deux cents affluents, venant du nord comme du sud, nourris eux-mêmes par des sous-affluents sans nombre, et près desquels les grands fleuves de l’Europe ne sont que de simples ruisseaux !

    • Et un cours où cinq cent soixante îles, sans compter les îlots, fixes ou en dérive, forment une sorte d’archipel et font à elles seules la monnaie d’un royaume ! […]

    • Et dont l’Océan ne parvient à refouler les eaux qu’en soulevant, dans une lutte phénoménale, un ras de marée, une « pororoca », près desquels les reflux, les barres, les mascarets des autres fleuves ne sont que de petites rides soulevées par la brise ! […]

    • Un fleuve qui, soit par lui-même, soit par ses affluents et sous affluents, ouvre une voie commerciale et fluviale à travers tout le nord de l’Amérique, passant de la Magdalena à l’Ortequaza, de l’Ortequaza au Caqueta, du Caqueta au Putumayo, du Putumayo à l’Amazone ! Quatre mille milles de routes fluviales, qui ne nécessiteraient que quelques canaux, pour que le réseau navigable fût complet !

    • Enfin le plus admirable et le plus vaste système hydrographique qui soit au monde ! »

    Ils en parlaient avec une sorte de furie, ces deux jeunes gens, de l’incomparable fleuve ! Ils étaient bien les enfants de cet Amazone, dont les affluents, dignes de lui-même, forment des chemins « qui marchent » à travers la Bolivie, le Pérou, l’Equateur, la Nouvelle-Grenade, le Venezuela, les quatre Guyanes, anglaise, française, hollandaise et brésilienne ! Que de peuples, que de races, dont l’origine se perd dans les lointains du temps ! Eh bien, il en est ainsi des grands fleuves du globe ! 

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    Une fois de plus, Jules Verne fait référence à Edgar Poe, et ceci en trois occasions : 

    - Dans le chapitre XII, Jules Verne se réfère explicitement à cette nouvelle fort célèbre "Le Scarabée d'or" dans laquelle intervient le décryptement de message écrit avec un chiffre secret et dont nous allons en parler un peu plus loin dans cette analyse

    -  Dès les premières pages de la Jaganda, Poe apparaît puisque l'amusant épisode du singe qui dérobe la précieux étui à Torrès est directement inspiré de la nouvelle "Double assassinat dans la rue Morgue", où un orang-outang vole le rasoir à un marin

    - La remontée en surface du cadavre de Torrès, provoquée par un coup de canon et l'ébranlement sonore des eaux, est analysée par Poe dans sa nouvelle "Le Mystère de Marie Rogêt".  

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    La Jangada

    Dans ce roman, il décrit la construction " d'un énorme train, que serait une de ces jangadas ou radeaux du fleuve, à laquelle on donnerait les dimension d'un îlot , utilisé par ses héros pour descendre l'Amazonie.

    La jangaga de Jules Verne est constituée de troncs liés ensemble par des lianes piaçaba suivant les même techniques des indigènes sur leurs jangadas traditionnelles. Mais loin des jangadas maritimes de 8 m, son radeau mesure 1000 pieds de longueur et 60 de large ! A l'arrière ont été installés une maison de maître bourgeoisement destinés au logement de 40 indiens et 40 noirs, des magasins remplis jusqu'à la gorge, au milieu une chapelle et un presbytère et à l'avant, un poste de pilotage.

    Bref, un village flottant ! Il est vrai qu'une des définitions du mot jangada en portugais est un train de bois flottant.

     Inspiration

    Les romans de Jules Verne au Brésil sont rare mais par contre la description dans "La jangada" des ressources de l'Amazonie, des moeurs locales est assez riche. D'où provient cette inspiration ? D'où provient cette documentation qui a permis d'écrire ce roman ?

    En 1843, pour des raison politique, le Péruvien José Manuel Valdez Y Palacios est forcé de fuir le Pérou et de se réfugier au Brésil. Dans un livre, il relate son voyage de Cuzco jusqu'à Belem en suivant en radeau le cours de l'Amazone. Un des héros de ce livre s'appelle Manoel Valdez, il est brésilien et la jangada descend jusqu'à Belem du Parà. Il existe en effet beaucoup de similitudes. Comment Jules Verne a-t-il eu connaissance de ce récit écrit uniquement en
    portugais ? 

    Le message chiffré ou cryptogramme

    Le message chiffré représente un grand thème de l'oeuvre vernienne. Pour rappel, nous avons celui, remarquable et ingénieux qu'il en fait dans "Le Voyage au centre de la Terre" dans lequel le professeur Lidenbrock doit résoudre le mystère d'un parchemin sur lequel est inscrit un message incompréhensible en signes runiques. Une autre énigme de ce genre est à l'origine de l'histoire dans "Les enfants du capitaine Grant". Chaque fois, toute l'action dépendra du déchiffrage d'un cryptogramme ou un message dont certaine lettres ont été effacées accidentellement. Nous retrouverons également le codage à grille pour un message clef dans "Mathias Sandorf". Et encore dans l'extraordinaire nouvelle posthume "L'Eternel Adam". Est-ce simple désir d'un romancier astucieux qui sait l'art de ménager ses effets ? Non, car Jules Verne était un passionné de ce genre d'activité cérébrale.

    Petite anecdote : 

    On raconte qu'en 1881, La Jangada paraissant en feuilleton dans "Le magasin d'éducation et de récréation", un camarade nommé Saumaire, élève de l'Ecole Polytechnique comme lui, était parvenu à déchiffrer le cryptogramme, et ceci, bien sûr, avant que Jules Verne en donne la solution. L'histoire, peut être enjolivée, prétend que Jules Verne vint à l'Ecole polytechnique se faire expliquer par son jeune lecteur comment il avait procédé. Bien que d'Ocagne ne précise pas la méthode, Saumaire a probablement utilisé la méthode de Babbage/Kasiski, publiée en 1863, soit 18 ans plus tôt.       

     

     

     


  • Le Rayon vert

    Parfois, au moment de disparaître dans les flots, le soleil lance sur l'océan une ultime et brève fulgurance : ce fameux rayon vert qui, d'après une légende écossaise, confère à ceux dont il a frappé les yeux le pouvoir de voir clair dans les sentiments et les cours. Alors que ses deux oncles et tuteurs, Sam et Sib Melvill, se proposent de la marier à un jeune savant de leurs relations, Aristobulus Ursiclos, la jeune Helena Campbell émet le souhait de contempler le rayon vert. Comment lui refuser ce voyage, au cours duquel, espèrent-ils, elle se laissera convaincre d'accepter l'époux qu'on lui propose ? Ce qu'ils ne prévoient pas, c'est qu'un jeune artiste-peintre, Olivier Sinclair, va bouleverser tous leurs plans.

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    Jules Verne a utilisé "le rayon vert" en toile de fond d'une historiette sentimentale. En effet une légnde écossaise raconte que le rayon vert permet de voir clair dans "son propre cœur et celui des autres". C'est pourquoi l'héroïne de ce roman, Helena Campbell, ne se mariera pas avant de l'avoir observé. 

    Jules Verne, dans cet autre voyage extraordinaire, excelle une nouvelle fois à vulgariser la science au profit des jeunes esprits. Le baromètre, élément indispensable, devient un personnage particulièrement loquace dans le récit. De ses oscillations dépendent les journées de la troupe. Les différents types de nuage sont évoqués, les tempêtes maritimes sont au rendez-vous. Mais ces éléments physiques trouvent une résonance toute littéraire et romanesque. Pas de cours magistral mais des aventures où la nature est partie prenante du dénouement.

    Mais ce qui a surtout rendu ce roman célèbre, c'est la révélation au grand public du phénomène du Rayon vert. Il est remarquable que le Rayon vert était pratiquement ignoré avant 1882, à part quelques rapports d'observateurs restés confidentiels. A fortiori, aucune explication scientifique n'en était proposée. Après sa médiatisation par Jules Verne – qui lui a donné son nom –, c'est un déferlement de témoignages d'observations, d'études, consignés dans des articles scientifiques, des thèses ou même des livres. Des sites internet lui sont maintenant consacrés.

    Le Rayon vert

    Comme souvent, un savant fait partie intégrante des histoires extraordinaires. Pour cette histoire très romantique du rayon vert, Verne doit pousser la contradiction à l'extrême forgeant des caricatures de romantique et de savant. Dans ce roman, Aristobulus Ursiclos n'a qu la sincérité du scientifique : " Trop instruit pour un jeune savant, qui ne sait qu'ennuyer les autres de son instruction universelle, gradué des Universités d'Oxford et d'Edimbourg, il avait plus de science physique, chimique astronomique et mathématique que de littérature. Au fond très prétentieux, il ne s'en fallait de presque rien qu'il ne fut un sot. Sa principale manie était de donner à tord et à travers l'explication de tout ce qui rentrait dans des choses naturelles, enfin une sorte de pédant de relation désagréable ". Son portrait n'est pas très flatteur " Il n'écoutait pas, il ne voyait rien, il ne se taisait jamais ". Il nous est présenté comme un individu sourd et aveugle, un individu coupé de ses perceptions, qui ne cesse pour autant de d'exprimer tout ce qu'il refuse de voir ou d'entendre. Aristobulus Ursiclos a l'intelligence d'une machine qui ne connait de la matière que ses propriétés physico-chimique. Il s'en faut de peu pour qu'il soit lui-même transformé e, machine lorsque Jules Verne nous décrit ses enjambées métriques qui permettent de déterminer les dimensions d'une cathédrale, ou lorsqu'on le trouve suspendu à un pan de falaise, pareil à ces jouets montés sur ressort qui s'agitent mécaniquement en tous sens.  

    Le Rayon vert

     

     A propos du rayon vert

    Le mystère de la nature (et de l'existence même) du Rayon vert est maintenant résolu. C'est un phénomène avéré que l'on a pu photographier, filmer, et même reproduire au laboratoire. Il s'explique parfaitement par la conjugaison de la réfraction différentielle et de l'absorption atmosphérique. Cependant, un autre mystère subsiste : d'où Jules Verne a-t-il pris cette idée ? Jules Verne ne révèle pas sa source dans le roman. 

    Deux explications possibles du Rayon vert (mais celle de la réfraction est ignorée) sont données par la bouche du pédant Aristobulus Ursiclos :  

    « Ce dernier rayon que lance le soleil au moment où le bord supérieur de son disque effleure l’horizon, s’il est vert, c’est, peut-être, parce qu’au moment où il traverse la mince couche d’eau il s’imprègne de sa couleur... »

     

    « À moins que ce vert ne succède tout naturellement au rouge du disque, subitement disparu, mais dont notre œil a conservé l’impression, parce que, en optique, le vert en est la couleur complémentaire ! » (Chap. XV.)

    Jules Verne avait déjà fait mention du Rayon vert dans une œuvre antérieure, son autre roman écossais « Les Indes Noires » (1877) :

     

    « Enfin, un premier rayon atteignit l'œil de la jeune fille. C'était ce rayon vert, qui, soir ou matin, se dégage de la mer, lorsque l'horizon est pur. » (Chap. XVII — Un lever de Soleil.)

    Il sera encore question du Rayon vert dans les " Mirifique aventures de maître Antifer ", publié en 1894 :

    « À son coucher comme à son lever, la réfraction le laissait [le soleil] encore apparaître alors qu’il avait déjà disparu sous l’horizon. La matière lumineuse, obliquement projetée à la surface des flots, s’étendait comme un long diamètre, de l’ouest à l’est. Les dernières rides, semblables à des raies de feu, tremblotaient sous la brise mourante. Cet éclat s’éteignit soudain, lorsque le bord supérieur du disque, affleurant la ligne d’eau, lança son rayon vert. La coque du brick-goélette s’assombrit, tandis que ses hautes voiles s’empourpraient des dernières lueurs. » (1ère Partie, Chap. 1. Dans lequel un navire inconnu, capitaine inconnu, est à la recherche, sur une mer inconnue, d’un îlot inconnu.)

    On retrouve le Rayon vert dans « En Magellanie » écrit en 1897—1898, mais publié en 1908 sous le titre des « Naufragés du Jonathan » :

    « L'astre radieux venait de prendre contact à l'horizon. Élargi par la réfraction, il fut bientôt réduit à une demi-sphère, dont les derniers faisceaux illuminèrent le ciel, puis il n'en resta plus qu'un liseré ardent qui allait se noyer sous les eaux. Et alors s'échappa ce rayon d'un vert lumineux, la couleur complémentaire du rouge disparu. »

    Le Rayon vert n'est pas mentionné dans de grands ouvrages de vulgarisation scientifique que Jules Verne a pu consulter.

    Camille Flammarion décrit avec minutie les phénomènes atmosphériques. Il consacre 15 grandes pages au soir et au coucher du Soleil sans souffler mot du Rayon vert.

    Les premières publications scientifiques avérées de l'observation du Rayon vert sont celles de J.P. Joule en 1869 et de D. Winstanley en 1873 dans les comptes-rendus d'une société académique de Manchester. Il est peu probable que Jules Verne en ait eu connaissance directement (il faut rappeler que Jules Verne ne lisait pas l'anglais). Peut-être les a-t-il remarquées dans une de leurs retranscriptions dans un article de vulgarisation qui nous reste inconnue. Mais laquelle ? 

    Le Rayon vert est devenu un phénomène culte mis en scène dans de nombreuses œuvres de fiction.

     


  • La maison à vapeur

     

    Le richissime chinois Kin-Fo vient de se trouver soudainement ruiné. La vie, qui lui paraissait jusqu’alors insipide, lui devient inssuportable. Il contracte une sassurance-vie de 200 000 dollars en faveur de sa fiancée, Lé-ou, et du philosophe Wang, son mentor et ami, a qui il demande de le tuer dans un délais de deux mois, tout en lui remettant une lettre qui l'innocentera de ce meurtre.

    Avant le délais imparti, Kin-Fo recouvre sa fortune, doublée. Il n'est plus question poir lui de renoncer à la vie. Mais Wang a disparu avec la lettre et il n'est pas homme à rompre une promesse ! Voilà donc Kin-Fo condamné à mort, par ses propres soins.

     Une seule ressource : retrouver Wang. Et Kin-Fo de se lancer dans le plus haletant des périples au pays du Céleste Empire.

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    Nous pourrions voir dans cette histoire un parallèle avec la tradition philosophique des contes de Voltaire et en particulier avec son " Candide ". Il y a la naïveté de Kin-Fo et on y trouve aussi Wang que l'on pourrait comparer à Pangloss sans compter leur disparition dans la plus grande partie de l'ouvrage et leur réapparition quasiment miraculeuse en fin de livre. Ensuite il y a toute ces aventures exotiques, teintées d'un Orientlisme occidental. Enfin, nous avons ce parallélisme à la fin de l'ouvrage : " Il faut cultiver notre jardin ", qui s'oppose de façon amusante à " Il faut aller en Chine pour voir cela ! "

    Mais il y a plus évident encore : le parallèle avec le célèbre reporter Tintin qui n'a pas échappé à Philippe de Broca qui en portant les tribulations d'un chinois en Chine au cinéma rend hommage à la bande dessinée. En cela, Les Tribulations peuvent être considérées comme une oeuvres précurseur. Kin-Fo, c'est un peu Tintin. Craig et Fry, ce sont sans doute Dupont et Dupond.

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    Au-delà de cette réflexion sur le sens de la vie, Jules Verne saisit l'opportunité de nous offrir un magnifique périple dans l'Empire du Milieu et il nous tient en haleine jusqu'au bout de son histoire.

    Le choix de la Chine comme cadre pour ce roman offre à Jules Verne un décor à la fois peu connu du public, archaïque, tour à tour fascinant et dangereux, et suffisamment grandiose pour y insérer des scènes qui se déroulent en mer, sur la terre, dans des villes immenses, des villages, des déserts, ou encore sur la Grande Muraille. De plus, la Chine de cette époque est un pays dont la modernisation en est à ses balbutiements. Une aubaine pour Jules Verne qui profite du contraste pour mettre en valeur le progrès techniques occidental.

    Jules Verne n'a jamais mis le pied en Chine, mais nous livre malgré tout des descriptions des us et coutumes des Chinois de l'époque. Notons au passage que la science-fiction n'est pas totalement mise à l’écart : il invente l'équipement de survie en haute mer avec des scaphandres transformés en voiliers.

     

    Un ingénieur anglais propose au colonel Munro, qui a participé à l'écrasement de la révolte des Cipayes un voyage au nord de l'Inde à bord d'un véhicule extraordinaire qu'il a conçu et construit pour le Maharadjah de Bhoutan et qu'il a pu racheter à bas prix après la mort du commanditaire. Il s'agit d'un gigantesque éléphant à vapeur tirant deux wagons de tout confort et qui roule sans avoir besoin de voie ferrée. Ce train est même amphibie. Munro donne son accord et ils partent accompagnés en particulier de leur amis, un invité français, Maucler et le capitaine Hod, grand chasseur de tigres. En incluant le personnel nécessaire, ce sont dix personnes qui font route vers les contreforts himalayens.

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    « Il s'agit d'un train routier tracté par une locomotive à quatre roues à vapeur en acier en forme d'éléphant dont les yeux sont des fanaux électriques. Elle peut atteindre 25 km/h et comporte des freins atmosphériques. Steam-House semble être inspiré du Rocket de George Stephenson qui atteignait 24 km/h. »

    La maison à vapeur

     

    Bien que le Rocket n'était pas la première locomotive à vapeur, il fut le premier à réunir plusieurs innovations pour produire la locomotive la plus avancée de son époque. C'est l'exemple le plus célèbre d'une conception évolutive de locomotives par Stephenson qui est devenu le modèle pour la plupart des machines à vapeur dans les 150 années suivantes.

    La maison à vapeur

    Extrait

    "Une maison roulante ! s'écriait-il, une maison qui est à la fois une voiture et un bateau à vapeur ! Il ne lui manque plus que des ailes pour se transformer en appareil volant et franchir l'espace !
    - Cela se fera un jour ou l'autre, ami Hod, répondit sérieusement l'ingénieur.
    - Je le sais bien, ami Banks, répondit non moins sérieusement le capitaine. Tout se fera ! Mais ce qui ne se fera pas, ce sera que l'existence nous soit rendue dans deux cents ans pour voir ces merveilles ! La vie n'est pas gaie tous les jours, et, cependant, je consentirais volontiers à vivre dix siècles - par pure curiosité !"

     






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