• Maître Zacharius ou l''horloger qui avait perdu son âme

     

    Zacharius est un vieil horloger de génie qui vit avec sa fille Gérande, son apprenti Aubert et la servante Scholastique. Un jour, toutes les horloges de Zacharius s'arrêtent les unes après les autres sans raison apparente. Il a beau les examiner, les démonter et les remonter, les aiguilles restent immobiles. Au fur et à mesure que les horloges s’arrêtent, sa santé diminue inexorablement. Pour chaque horloge qui s'arrête son cœur s'épuise. C’est à ce moment que Pittonaccio entre en scène ; un étrange personnage qui incarne le diable et qui lui propose un pacte : sa survie en échange de sa fille qui était la promise de Aubert…


    Extrait :

    « C’est la mort ! disait maître Zacharius d’une voix sourde, c’est la mort !… Que me reste-t-il à vivre, maintenant que j’ai dispersé mon existence par le monde ! car moi, maître Zacharius, je suis bien le créateur de toutes ces montres que j’ai fabriquées ! C’est bien une partie de mon âme que j’ai enfermée dans chacune de ces boîtes de fer, d’argent ou d’or ! Chaque fois que s’arrête une de ces horloges maudites, je sens mon cœur qui cesse de battre, car je les ai réglées sur ses pulsations ! »

     

    Nouvelle fantastique de jeunesse de Jules Verne écrite à l’âge de 26 ans et publiée en 1854. Jules Verne revisite le thème du pacte avec le diable.

    En 1862, l'aérostat est à la mode. Le photographe Nadar, ami de Jules Verne, a l'idée de l'utiliser pour faire des photos aériennes. Vernes construit son propre ballon, Le Géants, qui effectue son premier vol en octobre 1863 et contribue à assurer le succès de son roman. 

    Quelques oeuvres littéraires ont pu inspirer Jules Verne.

    Citons  « Le Moine » de M. G. Lewis (1796) « Faust » de Goethe (1808), « La Peau de chagrin » de Balzac (1831), ou encore « Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre » de Adelbert Von Chamiso.

    D’autres pactes avec le diable suivront tel que : « Le meneur de loups » d’Alexandre Dumas (1857), « Le Portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde (1890) et un coup de cœur avec la nouvelle de R. L. Stevenson « Le Diable dans la bouteille » (1893)

     




  • Un simple vol en ballon se transforme en cauchemar lorsqu’un inconnu fait brusquement irruption dans la nacelle au moment du décollage et jette aussitôt du lest pour monter plus haut et plus loin que prévu. Ce « pirate de l’air » se met alors à discourir sur l’histoire de l’aérostation qu’il semble très bien connaitre. Ce fou aux allure suicidaire lance encore du lest et monte encore et toujours plus haut en continuant à raconter les débuts de l’aventure des ballons aériens... 

    Cette courte nouvelle de jeunesse de Jules Verne écrite à l’âge de 23 ans et publiée dans un périodique illustré « le Musée des familles » en 1851, 
     annonce déjà le premier roman de Jules Verne édité par Pierre-Jules Hetzel « Cinq semaine en ballon »


    Extrait

    « Quoi de plus noble que d'oublier les nuages ​​qui oppriment la terre? N'est-ce pas un honneur de naviguer ainsi sur des vagues aériennes? Les plus grands hommes ont voyagé comme nous. La marquise et les comtes de Montalembert, la comtesse de Podenas, Mademoiselle la Garde, le marquis de Montalembert, se leva du faubourg Saint-Antoine pour ces régions inconnues, et le duc de Chartres fit preuve de beaucoup d'habileté et de présence d'esprit dans son ascension le 15 juillet 1774. A Lyon, les comtes de Laurencin et Dampierre; à Nantes, M. de Luynes; à Bordeaux, D'Arbelet des Granges; en Italie, le chevalier Andreani; à notre époque, le duc de Brunswick, - ont tous laissé des traces de leur gloire dans l'air. ces grands personnages, nous devons pénétrer encore plus haut qu'eux dans les profondeurs célestes! S'approcher de l'infini, c'est le comprendre! »

     


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    Jules Verne et l'image

    Verne a été lu, mais rarement "adoubé" par ses pairs au motif que ses livres adressés à la jeunesse ne pouvaient être tenus pour de la littérature sérieuse. Et les efforts fournis, à partir des années 1950 pour réhabiliter l'écrivain par son écriture seulement ne rendaient pas forcément compte de cet objet hybride qu'est le Voyage extraordinaire ; certes, des dizaines de milliers de pages noircies, mais aussi plus de 6000 illustrations, des mises à la scène par Verne lui-même de ses livres en fééries spectaculaires, bref, une médiation ou une "transpédiation" de l'écrit par l'image et le Grand Spectacle qui, dans notre civilisation du livre, a pu être perçue par les académiciens et les "vrais" écrivains comme puérile et antilittéraire.

    Verne est original et intéressant pour cette raison, parce qu'il soulève des questions littéraires non orthodoxes et qu'il n'est "pas forcément écrivain". C'est Jean Delabroy qui a osé ce doute puis l'a magnifiquement dissipé quand il a dit que Verne a été écrivain non par ses livres, non par le "travail d'âne" de l'écriture, mais par sa "possession de l'image", images formidables qui tirent en avant chacun de ses livres. Au fond, l’illustration, le théâtre, les plaques de lanterne magique, le cinéma et la télévision, le phénomène d'adaptation du texte découle de cette possession de l'image, de la dynamique "imageante" de cette imagination. C'est finalement ce trait, plus que le cosmopolitisme de ses romans "géographiques", qui explique que Verne ait pénétré si facilement le monde, que son héritage soit chaque jour plus florissant dans l'industrie culturelle , bien qu'on lise de moins en moins ses livres (comme les classiques en générale). Quand nous pensons à lui, nous ne voyons que de grandes images. C'est plus fort que nous, ou plutôt, ces images sont plus fortes que nous.

    L'image, si elle a fait le succès de Verne, lui a joué des tours, dont celui, justement de le réduire à une image : celle du pédagogue enchanteur de la jeunesse et du "père" de la science-fiction. En France, le premier succès des "Voyages extraordinaires" était lié au "merveilleux scientifique", à la manière dont Verne avait fait de la machine un objet de spectacle et d'émerveillement, à une époque où chaque innovation technologique semblait le fruit d'une magie industrielle. La tombée en désuétude de ses grands romans s'explique en partie par le fait que les techniques qu'ils décrivaient ont paru obsolètes aux jeunes lecteurs des générations suivantes. Le monde de Verne a disparu dans la Grande Guerre, enfoui désormais sous la nostalgie du passé et de l'enfance.       

      


  • Jules Verne évoque peu le passage par une institution. L'école primaire n’apparaît que deux fois, dans L'épave du Cynthia, et dans le Château des Carpathes. Pourtant, les personnages populaires font preuve d'instruction, parfois la lecture et l'écriture, parfois bien au-delà, comme en témoignent Conseil, domestique d'Arronax dans Vingt mille lieues sous les mers, qui sait parcourir toute l'échelle du vivant, des embranchements, groupes et classes jusqu'aux espèces et variétés, ou Ben-Zouf, l'ordonnance d'Hector Servadav qui cite Robinson et Vendredi. Preuve s'il en était que l'école a été fréquentée par ces fils du peuple.    

    Pour le romancier, la véritable éducation se joue ailleurs. Le voyage est initiatique : Dick Sand, "Capitaine de quinze ans", après avoir affronté cataclysme naturels et barbarie humaine, est devenu un "homme". A Axel, entraîné par Lidenbrock dans un Voyage au centre de la Terre, sa fiancée déclare : " Au retour, Axel, tu seras un homme. " Le jeune Robert Grant est aussi formé et transformé par l'aventure ; " Comme il a grandi, c'est un homme ", constate son père, le Capitaine Grant, en le retrouvant. Comme les jeunes naufragés de Deux ans de vacances : " Les petits étaient presque des grands presque des hommes ", conclut le roman. Les Tribulation d'un Chinois en Chine, le philosophe Wang veut enseigner le bonheur à Kin-Fo qui, dans ses " tribulations ", apprend " quel est le prix de la vie ". L'Ecole des Robinsons reitère le procédé. Pour Godfrey qui éprouve " une lassitude prématurée du monde ", un oncle éducateur organise un faux naufrage qui se transforme en vrai épreuve au bout de laquelle Godfrey devient " un nouvel homme ".

    Mais pour être école de la vie, l'aventure a besoin de médiateurs, de maîtres de la vie. Verne en établit plusieurs sortes. Il y a d'abord les communicants du savoir. Dans Mathias Sandorf, l'ingénieur Pierre Bathory donnz à un saltimbanque " une instruction primaire très complète " ; Paulina Barnett fait de même pour une jeune indienne dans Le Pays des fourrures ; Cyprien Méré apprend à lire à un jeune cafre dans L'Etoile du Sud, rôle que joue aussi Jean Keller dans Le Chemin de France pour le soldat Natalis.

    Le maître, le vrai, communique bien plus que le savoir. Cyrus Smith, dans L'Île mystérieuse, noue avec le jeune Harbert une relation éduquant/éduqué qui a aussi un objectif : " Si je meurs, pensait Cyrus Smith, c'est lui qui me remplacera. " Le capitaine Nemo, maître du Nautilius, est aussi maitre du professeur Aronnax à qui il apporte la connaissance des " derniers secrets de la planète ". Le roman tout entier est une relation pédagogique et amoureuse, qui passe, du côté d'Aronnax, par la fascination de la connaissance inouïe , du côté de Nemo, par le plaisir de la communiquer dans une relation de respect mutuel.     

     

     

     


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    Jules Verne marchant de rêve

    Les histoires de Jules Verne ont une structure de récits d'aventures qui arrive à point nommé dans le contexte de l'époque, avec une nouvelle étiquette de "romans scientifiques". L'intrigue du roman vernien semble convaincante et plausible, mais elle ne peut avoir lieu en réalité. Verne vend du rêve et de la mythologie. Son écriture est simple et directe. Les enfants lisent et, devenus adultes, ils se souviennent d'avoir rêvé des aventures de Hatteras, de Nemo ou de Fogg. Les illustrations font parties du rêve. Aussi réalistes que possible, elles impriment des lieux et des situations dans la mémoire du lecteur, elles participent à la création d'une aventure rêvée que le texte souligne et soutient.

     L'un des dernier romantique,Verne utilise le thème du voyage ponctué de découvertes et d'aventures pour apporter des connaissances aux familles françaises et faire vivre par procuration le émotions générées par les "mondes connus et inconnus". Jonglant avec son lecteur, à travers un feuilleton ou un livre, le récit que propose Verne donne l'illusion de la fermeture, la fin de l'aventure initiatique. Le lecteur croit l'histoire terminée, mais en fait, il reste sur sa faim et sa soif de connaissances. En utilisant l'énumération pour donner l'illusion de la connaissance exhaustive, Verne facilite la frustration de ses lecteurs par le biais d'un avenir promis que les dernières décennies du XIXè siècle ne pouvaient imaginer pauvre et misérable. 

    La fin de la plupart des romans est donc heureuse. Et si aujourd'hui le "steampunk" - un XIXè siècle de science-fiction où tout fonctionne à la vapeur - connait un tel succès, peut-être est-ce parce que l'avenir nous parait sombre et peu optimiste... Tout cela crée l'image d'un Jules Verne tutélaire apportant, aussi bien à ses héros qu'à ses lecteurs, un avenir rassurant.

       





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