• Mathias Sandorf

     Comte hongrois, Sandorf complote avec trois de ses amis contre l'Empire autrichien pour redonner son indépendance à leur patrie. Trahis, ils sont arrêtés, mais réussissent à s'évader. Quinze ans plus tard, un mystérieux docteur Antekirrt a mis en place toute une organisation dont les buts restent énigmatiques... 

    **********

     Mathias Sandorf est la rencontre littéraire entre Jules Verne et Alexandre Dumas. Rencontre qui n'a rien d'accidentelle : Verne, chose très rare dans les Voyages extraordinaires dédie son roman publié en 1885 à un ami. Cet ami c'est Alexandre Dumas fils :

    " Je vous dédie ce livre, écrit-il, en le dédiant aussi à la mémoire du conteur de génie que fut Alexandre Dumas votre père. Dans cet ouvrage, j'ai essayé de faire de Mathias Sandorf le Comte de Monte-Cristo des Voyages extraordinaires. Je vous prie d'en accepter la dédicace comme un témoignage de ma fidèle amitié. "

    Ce à quoi Dumas fils répondit : 

    " Vous avez eu raison, dans votre dédicace, d'associer la mémoire du père à l'amitié du fils. Personne ne n'eut été plus charmé que l'auteur de Monte-Cristo par la lecture de vos fantaisies lumineuses, originales, entrainantes. Il y a entre vous et lui une parenté littéraire si évidente que, littérairement parlant, vous êtes son fils plus que moi. Je vous aime depuis si longtemps qu'il me va très bien d'être votre frère. "

    On peut s'amuser à relever les hommages à Dumas : la forteresse de Pisinon d'où Sandorf va s'évader n'est pas moins inaccessible que le château d'If, le fils d'un ami de Sandorf tombe amoureux de la fille d'un de ses ennemis, comme Maximilien Morel et Valentine de Villefort chez Dumas.  

     Les "dunasiens" n'aiment d'ailleurs pas beaucoup ce livre, qu'ils voient surtout comme un plagiat manquant de profondeur? Ils ont tort. Ce n'est d'ailleurs pas la seule fois que Verne se livre à ce jeu de l'hommage : avec Le Sphinx des glaces, il avait donné une suite aux Aventures d'Arthur Gordon Pym d'Edgar Poe. 

    Mathias Sandorf est aussi parmi ses romans l'un de ceux où Verne joue le plus ouvertement avec les règle du mélodrame, procédé dont il est généralement peut enclin à profiter. Ici, la fille de Sandorf ignore qui sont ses vrais parents, l'une des héroïne (madame Bathory) tombe subitement folle et guérit tout aussi subitement grâce à Sandorf, des coïncidence improbables ont lieu...

    C'est aussi le grand roman de la Méditerrané. Tout évolue autour d'elle, et l'exotisme cher à Verne y est réduit aux rives de la Mare nostrum, Trieste, l'Etna, la Dalmatie, Malte, Carthage, Ceuta, Tétouan, la Céphalonie et même Monaco accompagnent la vengeance du Hongrois.

    De cette balade, Verne, dans la troisième partie surtout, tire les longues digressions encyclopédiques qui faisaient recommander ses œuvres aux enfants. Cette fois pourtant, il flâne :  Sandorf se promène, revient sur ses pas, erre d'un pays à l'autre, et n'a plus la rigueur géographique qui menait Phileas Fogg ou les patrons de la "Jaganda" d'un point A à un point B... Un simple détail qui fait aussi du rebelle magyar l'un des héros les plus libres de Verne.